O-Yoné et Ko-Haru : derrière ce titre étrange se cache le nom des deux femmes qui ont partagé la vie de Wenceslau de Moraes, Lisboète tombé amoureux du Japon à la toute fin du XIXe siècle, et un ouvrage dont la lecture est, selon le grand écrivain japonais Yasushi Inoué, « un devoir pour tout lecteur, et plus encore pour les Japonais ! »
Japon et 1900 : il n’en fallait pas plus pour m’intéresser. J’ajoute que la très belle couverture, signée Sylvain Lamy, nous fait immédiatement entrer dans l’histoire — ou plutôt les histoires, puisque Wenceslau de Moraes a compilé des chroniques, des causeries sur ce Japon d’un autre temps, constituant ainsi un précieux témoignage.
La préface de Dominique Nédellec nous brosse tout d’abord le portrait d’un homme « dont le seul regret est de n’être pas né Japonais » : né à Lisbonne en 1854, il devient officier de marine et, au gré des missions, met le cap vers Zanzibar, le Mozambique, les Seychelles, Macassar, Manille, Bangkok, Saïgon, Timor… puis la Chine, où il écrit ses premiers textes sur l’Orient. À plusieurs reprises, il est envoyé en mission au Japon et c’est là que l’attraction irréversible opère… Pour lui, « quitter l’Empire du Milieu pour gagner le Japon, ce serait sortir d’une caverne et pénétrer en un jardin… ». Il n’aura plus qu’un but : s’installer au Japon.
En 1899, il est officiellement nommé consul intérimaire du Portugal à Kobe et Osaka. Il se marie avec O-Yoné avec qui il vivra 13 ans, jusqu’à la mort de celle-ci. L’événement est un drame qui bouleverse sa vie personnelle et professionnelle. Il adresse une lettre au Président portugais, l’informant renoncer à ses droits et à sa nationalité. Il ne reverra plus le Portugal et finira sa vie dans un petit village du sud de l’archipel, Tokushima, tentant de se fondre avec la population, en adopter les rites, us et coutumes. Il rencontrera Ko-Haru, sa seconde femme japonaise, mais il ne vivra que 3 ans avec elle, car elle mourra de tuberculose.
Durant 13 ans, il vivra une vie d’acète et d’esthète, avec pour compagnons des poules, un coq et des chats, et écrira sur ce Japon qui le fascine et le meurtrit à la fois : il écrit même « J’ai souffert au Japon mille et une mortifications, et j’aime encore le Japon !… ».
Au fil de 16 petites histoires vécues ou relatées, Wenceslau de Moraes dépeint un Japon loin des clichés, de l’intérieur, sans afféterie, tour à tour drôle ou émouvant, mystique ou banal, toujours plein d’esprit, de facétie et une pointe de saudade.
Je partagerai pour finir une brève description du peuple japonais par l’auteur : « (des) gens qui ne cessent de sourire, qui oublient promptement chagrins et revers, qui sont d’une sobriété incomparable, qui se délectent comme des enfants des arbres en fleurs et des joliesses du paysage et qui, enfin,, savent comme personne s’emparer dans la vie de mille petits riens qui les enchantent et donnent à leur existence un tour insouciant et plaisant ».
O-Yoné et Ko-Haru, de Wenceslau de Moraes, Éditions Cambourakis.
Publié le 6 août 2013 sur le blog du bonheur dans l’air