L’anniversaire de la salade

Je reconnais que c’est ce titre intrigant qui m’a attiré, alors que j’étais au rayon « littérature japonaise » de ma médiathèque… J’ai donc ouvert l’ouvrage de tanka (une autre forme de poésie, moins connue que les haïkus), au hasard (c’est toujours un bon test). Et là, j’ai lu :

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Impasse du crépuscule

À la vitesse où le soleil s’embrase
les croquettes au fond de la boucherie
se mettent à frire

Les choux chinois dans leur bel obi rouge
à la devanture s’étalent béats béats
épaule contre épaule

Comme si en rang serrés des ongles de fillette
y étaient incrustés
vif éclat des dorades chez le poissonnier

Dans leur boîte de conserve les petits pois
au beau milieu de la nuit « Ouvrez ouvrez »
chuchotent-ils

– – – – –

J’aime le pouvoir évocateur de ces vers : en quelques mots, on imagine le marché qui s’installe, les écailles brillantes des poissons « comme des ongles de fillette », les choux parés et bien rangés…

Ce recueil de 15 poèmes de TAWARA Machi a été écrit à la fin des années 80, alors que la jeune auteure était professeur dans un lycée. Et le succès a été phénoménal : 8 millions d’exemplaire vendus dans le monde !

Il faut reconnaître que cette écriture minimaliste, mais très forte en images, à la fois intimiste et cinématographique, est remarquable. Encore quelques exemples :

À propos de ses élèves :
Collégiennes critiquant leurs professeurs
Quelle cruauté ballottée
dans ces trains du matin

Lors d’une croisière :
Tranquillement comme la Terre
qui commence à s’éveiller voici que s’ébranle
le bateau de l’été

À propos de l’amour :
« Manger en maigrissant » dit une pub…
Et moi je voudrais
être aimée sans aimer

Pour toi cet agenda resté vide
je l’ai rempli maintenant
avec un crayon

Publié le 19 mai 2013 sur le blog du bonheur dans l’air.

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