Qu’il se soit échappé d’un laboratoire ou qu’il provienne du pangolin, le Covid-19 pose la question de l’attitude des humains vis-à-vis des animaux sauvages et du règne animal dans son ensemble.
C’est peut-être une trop grande promiscuité entre le pangolin, un animal sauvage, et l’homme (qui l’aurait mangé) qui est à l’origine de la pandémie que nous connaissons.
Signe des temps, les autorités chinoises ont interdit temporairement le commerce d’animaux sauvages le 26 janvier et la métropole chinoise de Shenzhen a interdit début avril la consommation de chiens et de chats (10 millions de chiens et 4 millions de chats étaient abattus chaque année en Chine pour leur viande).
Mais voici que le même pays vient de décréter que la bile d’ours serait un antidote au virus. Le ministre de la santé a même recommandé aux patients gravement atteints de se faire administrer une injection à base de bile d’ours et de poudre de corne de chèvre. Dès lors, le prélèvement de bile d’ours s’intensifie dans le pays, avec des milliers d’ours immobilisés dans des cages, l’abdomen perforé par des cathéters reliés à leur vésicule.
Nous considérons la planète comme un grand supermarché dans lequel nous pourrions tout acheter (ou plutôt tout piller). Ce « mépris de la nature », selon les termes de Jane Goodall, est d’autant plus injuste que nous, humains, représentons 0,01 % des vivants et que, par la domination, l’exploitation des animaux et notre expansion sur la nature, nous sommes à l’origine de 85 % des morts animales depuis le début de l’ère industrielle.
Que ressentent les animaux sauvages, qui ont toujours vécu dans les grands espaces, quand ils finissent misérablement leur vie dans des cages empilées les unes sur les autres ? Et sans aller au bout du monde, comment fermer les yeux sur les conditions de vie des animaux dans les élevages intensifs ? C’est un cauchemar qui ne dure pas juste une heure ou une nuit, mais toute leur vie. Et ne croyons pas que ces usines infernales sont des cas isolés : 95 % des porcs élevés en France le sont selon les normes de l’agriculture intensive, ou une truie ne peut même pas se retourner, prise en étau entre deux barrières, et où les lapins ne peuvent jamais pratiquer l’un de leurs besoins essentiels : sauter.
Notre monde a besoin d’apaisement.
Considérer que nous n’avons pas le droit de vie, de captivité, de maltraitance et de mort sur les animaux pourrait être la base d’une vie plus paisible, plus saine et sanitairement plus sûre. Mais pour cela, il est nécessaire de prendre conscience de ce que représente l’achat d’un morceau de viande ou d’un poisson : la souffrance d’un animal, le mal-être des acteurs de toute une chaîne (rares sont les personnes qui rêvent de devenir abatteur) et l’épuisement de la planète :
• le mode d’élevage intensif est la 1re ou 2e cause (selon les études) d’émissions de gaz à effet de serre,
• il s’octroie 83 % de la surface agricole mondiale (il faut 7 kg de céréales pour produire 1 kg de bœuf) et constitue l’une des causes de la déforestation,
• il pompe 70 % de la totalité de l’eau potable sur Terre,
• il pollue les sols et les nappes phréatiques par les engrais utilisés (azote, phosphates, nitrates),
• 86 % des poissons vendus en supermarché sont issus de la pêche non durable ou de stocks surexploités.
Cela fait beaucoup pour une chipolata ou un dos de cabillaud.
Source : GEO, Aurélien Barrau, L’humanité en péril, Fred Vargas. Visuel : L214